Man and the natural world in English Literature of Wordsworth & Coleridge
10 Marzo 2019La follia
10 Marzo 2019Cornelli Andrea
L’AGE DU ROMAN
Les années 50 marquent l’entrée en force de l’Afrique dans lage du roman, qui s’attache d’abord à revaloriser les anciennes cultures africaines. Le Sénégalais Birago Diop, dans ses Contes et Nouveaux Contes d’Amadau Koumba (1947-1958), et l’ivoirien Bernard Dadié dans Le Pagne noir (1955) restituent l’univers des veillées villageoises.
C’est aussi l’époque du roman d’apprentissage, largement autobiographique, qui montre le passage d’un monde à l’autre, de l’enfance à lage adulte, du village à la ville, de la tradition à la modernité, de l’Afrique idyllique à l’Europe. L’Enfant noir (1953) du Guinéen Camara Laye, Climbié (1956) de Bemard Dadié, L’Aventure ambiguë (1961) du Sénégalais Cheikh Hamidou Kane retracent l’itinéraire de personnages écartelés entre deux mondes. Ainsi, en une dizaine d’années (1953-1963), l’existence d’un roman africain très vivant va s’imposer, avec aussi l’apport de deux auteurs camerounais : Mongo Beti (Ville cruelle, 1954; Le Pauvre Christ de Bomba, 1956) et Ferdinand Oyono (Une vie de boy 1956; Le Vieux Négre et la médaille, 1956 ; Chemin d’Europe, 1960).
INTERROGATIONS ET DÉSILLUSIONS
Les années 60 semblent marquées par un relatif reflux, comme si l’effort d’indépendance mobilisait les énergies intellectuelles pour des taches plus urgentes. De fait, les écrivain majeurs devenus minimes, diplomates, hommes politiques (F. Oyono, C.A. Kane…) n’ont plus rien publié.
Le principe de la Négritude est lui aussi remis en question, notamment par le Congolais Tchicaya U Tam’Si. En 1968, paraissent deux oeuvres qui ont un grand retentissement. La première, Le Devoir de violence du Malien Yambo Ouologuem, fait voler en éclats le mythe de la grande fraternité négre, tandis que dans Les Soleils del indépendances, publié d’abord au Québec avant d’être repris à Paris, l’ivoirien Ahrnadou Kourouma dénonce avec ironie l’imposture postcoloniale. Le mensonge, l’oppression et les atteintes répétées aux droits de l’homme dont se rendent coupables certains nouveaux dirigeants de l’Afrique sont autant de thèmes dénoncés par les écrivains: Al’ioum Fantouré (Le Cercle del Tropiques, 1973), Mongo Betì (Perpétue, 1974), Valentin Mudimbe (Le Bel Immonde, 1976), Tierno Monénembo (Les Crapauds-Brousse, 1979), Williams Sassine (Le Jeune Homme de sabie, 1979), Sony labou Tansi (La Vie et demie, 1979).
Le renouvellement s’opère aussi avec la découverte du modèle latino-américain et la redécouverte de l’oralité. A un récit linéaire, les écrivains substituent des formes baroques et polyphoniques qui empruntent à tous les genres, et dont la meilleure illustration est fournie par l?uvre romanesque et théâtrale de Sony Labou Tansi (né en 1947).
Le temps semble aussi venu pour la femme africaine d’affirmer sa singularité. Après la publication du Revenant (1976) et de La Grève del Bàttu (1979) d’Aminata Sow Fali (Sénégal), l’émergence d’une écriture féminine est confirmée par l’arrivée de nouvelles romancières telles Mariama Bá (Une si longue lettre, 1979), Nafissatou Diallo (Le Fortmaudit, 1980) et Calixthe Beyala (C’est le soleil qui m’a brûlée, 1987).
LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
Une ieunesse aísée
Léopold Sédar est né à Joal-la-Portugaise, au sud de Dakar, dans une famille catholique. Son père est un propriétaire terrien et un commerçant aisé. Après avoir obtenu son baccalauréat à Dakar, il part faire ses études à Paris, où il rencontre Aimé Césaire et Georges Pompidou. Il est d’abord professeur à Tours. Après la guerre, il commence une carrière politique et est élu député du Sénégal à l’Assemblée nationale. En 1960, quand le Sénégal acc’ède à l’indépendance, Sengor est élu président de la République. En 1979, il abandonne le pouvoir à celui qu’il a choisi comme successeur. En 1983, cest le premier Africain à être élu à l’Académie française.
Un homme de réconciliation
La poésie de Senghor fait la synthèse des mondes africains et européens. Il puise ses images dans la tradition africaine, tout en utilisant le vers libéré des poètes modernes.
Il ne se sépare pas d’un engagement pour la « négritude » entamé avec Aimé Césaire. Respecté par les Africains, il est aussi considéré par les Européens comme un des leurs.
CHANTS D’OMBRE
Lecteur attentif de Claudel, de Saint- John Perse et des surréalistes, Senghor se rapproche d’eux par l’esprit, bien que l’influence africaine domine largement.
Hommage à la beauté noire
Bien avant que les Noirs des Etats-Unis ne lancent le slogan « black is beautiful », Senghor a célébré la beauté de la femme noire.
Chants d’ombre, le seuil, 1956.
Femme noire
Femme nue, femme noire
Vêtue de la couleur qui est vie, de la forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux.
Et voilà qu’au c?ur de l’été et de midi, je te découvre
5 Terre promise du haut d’un haut coi calciné
Et la beauté me foudroie en plein c?ur, comme l’éclair d’un aigle.
Femme nue, femme obscure
Fruit mur à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
Bouche qui fais lyrique ma bouche
10 Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du
Vent d’est
Tam-tam sculpté, tam-tam tendu qui grondes sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.
Femme nue, femme obscure
15 Huile que ne ride nui souffle, huile calme aux flancs de l’athlète,
Aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau
Délices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
20 Femme nue, femme noire
Avant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
GÉRALD TCHICAYA U TAM’SI
(1931-1988) Poète, romancier et journaliste congolais, Tchicaya s’engage très tot dans la lutte pour l’indépendance de son pays. Au concept de « négritude » qu’il juge très idéaliste, il oppose l’image d’une terre meurtrie par plusieurs siècles de domination coloniale.
La vie
Fils d’un député du Moyen-Congo sous la lVe République, Gérald-Félix Tchicaya passe son enfance à Pointe-Noire avant de rejoindre le lycée d’Orléans, puis Paris.
A partir de 1957, Tchicaya s’engage dans une carrière de journaliste radiophonique, à l’ORTF, mais dès l’annonce de l’indépendance du Congo belge (30 juin 1960), il part pour Léopoldville.« Je suis croisé, je pars avec une passion contenue… et je rencontre l’homme le plus fascinant après mon père, Patrice Lumumba. »
De retour en France après l’assassinat de Lumumba, leader de l’indépendance congolaise, Tchicaya travaille pendant près de vingt ans à l’Unesco.
Un appel à la fraternité
Si ses premiers recueils, Le Mauvais Sang (1955) et Feu de brousse (1957), reflètent encore l’influence des grands maîtres française francaise « je m’avoue une sourde parenté de corps avec un certain Arthur* » (Le Forçat), Tchicaya U Tam’Si (son nom d’écrivain signifie « petite feuille qui parte pour son pays ») n’en affirme pas moins déjà un ton très personnel. Sa poésie exprime la révolte d’un homme qui ne s’accommode ni de l’injustice ni du malheur, et aspire à une société plus fraternelle.
Ecrivain bantou, comme il aimait à le rappeler, Tchicaya ancre son oeuvre dans un univers profondément africain où les symboles de l’arbre et du fleuve deviennent les éléments d’un décor mythique. Mais indépendamment des nombreuses références à la faune et à la flore, qui contribuent à enraciner ses textes dans l’univers africain, c’est toute une conception du monde que nous communiquent les personnages qu’il met en sc’ène: respect de la famille, cuite des ancêtres, croyance dans la communication avec l’au-delà.
FEU DE BROUSSE
Tchicaya s’est toujours montré réservé à l’égard du concept de « négritude » dont Senghor s’est fait le chantre; il le jugeait ambigu et trop abstrait. Toutefois, Tchicaya n’en manifeste pas moins la volonté de construire un monde nouveau et de retrouver « la droiture du chemin oublié ». A l’instar des villageois, le «feu de brousse» qu’il veut allumer a aussi une fonction purificatrice.
L’humiliation
l’amertume et la désillusion qui transparaissent dans ce poème sont tempérées par la conviction d’être un homme et la volonté de ne se laisser broyer par aucun système d’oppression.
FEU DE BROUSSE, L’HARMATTAN, 1970.
Natte à tisser
Il venait de livrer le secret du soleil
et voulut écrire le poème de sa vie
pourquoi des cristaux dans son sang
pourquoi des globules dans son rire
5 il avait l’ame mure
quand quelqu’un lui cria
sale tête de négre
depuis il lui reste l’acte suave de son rire
et l’arbre géant d’une déchirure vive
10 qu’était ce pays qu’il habite en fauve
derrière des fauves devant derrière des
fauves
son fleuve était l’écuelle la plus sure
parce qu’elle était de bronze
parce qu’elle était sa chair vivante
15 c’est alors qu’il se dit
non ma vie n’est pas un poème
voici l’arbre voici l’eau voici les pierres
puis ce sacerdoce du devenir
il vaut mieux aimer le vin
20 et se lever matin
on le lui conseilla
mais plus d’oiseaux dans la tendresse des
mères
sale tête de négre
il est le frère cadet du feu
25 ici commence la brousse
et la mer n’est plus que le souvenir des
mouettes
toutes dressées dent à dent debout
contre l’écume d’une danse capitale
l’arbre était le plus feuillu
30 l’écorce de l’arbre était la plus tendre
après la brousse brûlée que dire de plus
pourquoi dans le vin y avait-il de l’absinthe
pourquoi remettre dans les c?urs
et les caïmans et les piroguiers
35 et le flot du fleuve
le grain de sable entre deux dents
est-ce ainsi qu’on broie le monde
non
non
40 son fleuve était l’écuelle la plus suave
la plus sure
c’était sa chair la plus vive
ici commence son poème-de-vie
il fut traîné dans une école
45 il fut traîné dans un atelier
et il vit des chemins plantés de sphinx
il lui reste l’arc suave de son rire
puis l’arbre puis l’eau puis les feuilles
c’est pourquoi vous le verrez
50 les piroguiers de pied ont repris
aux remorqueurs de coton franrais
leurs clameurs
ce vol est un vol de colombes
les sangsues ignoraient l’aigreur
55 de ce sang-là
dans l’écuelle la plus saine
sale tête de négre
voici ma tête congolaise
c’est l’écuelle la plus saine.